Au sein du collectif Index, de jeunes architectes enquêtent sur les violences policières / Le Monde

Par Isabelle Régnier, le 6 janvier 2022

L’association française s’inspire des méthodes de Forensic Architecture. Elle rassemble une dizaine de bénévoles, dont des architectes déçus par le travail en agence.

Si on embrasse souvent les études d’architecture avec l’envie de rendre le monde meilleur, c’est rarement de cela qu’il s’agit quand on en sort, que l’on décroche son premier job en agence et que l’on voit ses idéaux se dissoudre sur les murs froids de la promotion immobilière. Dans les années 1960 et 1970, ce constat a conduit une certaine avant-garde à opter, à l’instar de groupes comme Archigram, Archizoom ou Superstudio, pour l’architecture de papier. En choisissant de dessiner des projets utopiques plutôt que construire pour un système jugé corrompu, ces collectifs ont marqué l’histoire de l’art et nourri l’imaginaire de ceux qui allaient les suivre.

Aujourd’hui, la contestation architecturale prend d’autres formes, plus prosaïques sans doute mais non moins subversives. Alors que la discipline s’appuie de plus en plus exclusivement sur des outils numériques, les architectes ont appris à en détourner les usages à des fins politiques, comme en témoigne l’action d’Index, association qui s’est constituée en 2020 pour produire des enquêtes sur les violences policières en France. Ses méthodes s’inspirent de celles de Forensic Architecture, spécialisé dans les contre-enquêtes sur les crimes d’Etat. Ce collectif sis à Londres s’est fait connaître par sa capacité à opposer aux récits officiels des reconstitutions minutieuses en vidéo ou en images de synthèse nourries de l’expertise de ses membres (des architectes, des archéologues, des avocats, des océanographes, des scientifiques, des artistes…), en les produisant dans les tribunaux, en les faisant diffuser dans les médias et en les présentant dans les institutions artistiques.

Leur savoir technique sert aussi bien à analyser des scènes de violence qu’à agréger une multitude d’informations en open source

Les architectes jouent un rôle crucial dans ces affaires. Leur savoir technique sert aussi bien à analyser des scènes de violence (à comprendre, dans le cas d’un bombardement par exemple, les raisons de la chute d’un mur, de l’effondrement d’un toit, la vitesse et l’angle d’un impact de balle…) qu’à agréger, grâce à des logiciels de modélisation 3D utilisés en agence, une multitude d’informations en open source (vidéos filmées par des amateurs, sons, photos) collectées par l’intermédiaire des réseaux sociaux. « L’architecture, c’est le ciment pour relier la masse de fragments, l’interface qui permet de multiplier les angles, la cheville de dialogue interdisciplinaire », résume Francesco Sebregondi, le fondateur d’Index, qui a fait ses armes au sein de Forensic Architecture. Les outils et les méthodes du collectif sont libres de droit et quiconque veut conduire sa propre enquête est invité à s’en emparer. Suite de l’article réservée aux abonné.es

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